Interview de Juin 2020 - Magazine 3D Impérial - Chine.

Gilles Azzaro
Né à Casablanca
Artiste numérique français, sculpteur sonore, batteur.
Membre du premier Fablab en France.
Son travail porte principalement sur la reproduction et la matérialisation tridimensionnelle sonore.
Diplômé de la Deuxième Université de Toulouse.

 



Gilles AZZARO

Photo Alexandre Ollier

 

Pour beaucoup de gens et même pour les gens de l'industrie, le concept d' impression 3D sonore " est très étrange, car Il nous est difficile d'imaginer que le son puisse être imprimé. Bien sûr, nous sommes également pleins de doutes, c'est ainsi que le son est imprimé?

Dès 2018, "3D Imperial" a interiewé en exclusivité l'artiste numérique et sculpteur du son français Gilles Azzaro avec ces questions, et il nous a expliqué la compréhension de l'impression 3D sonore

A cette époque, Gilles Azzaro a fait sensation dans le monde entier avec son œuvre "NEXT INDUSTRIAL REVOLUTION", et a même présenté personnellement des œuvres sonores imprimées en 3D à la Maison Blanche , et a été reçue par l'ancien président américain Barack Obama.

À cette époque, les œuvres d'Azzaro transmettaient principalement la paix et la bonne aspiration au monde au nom de l'amour. Maintenant, Azzaro a apporté son tout nouveau travail, qui contient des concepts différents des travaux précédents.

Ce numéro de 3D Imperial vous emmène dans le monde de l'impression 3D sonore du sculpteur de Voix, pour comprendre comment Gilles Azzaro peut visualiser des choses invisibles et leur donner une image tangible..

 



Next Industrial Revolution

Photo Gilles Azzaro

 

Pour l'instant, la technique d'impression 3D est la meilleure option pour rendre les voix visibles et tangibles. Êtes-vous d'accord avec cette idée? Et pourquoi?

Tout d'abord, je suis très honoré d'être le premier artiste pour qui 3D Imperial a consacré deux interviews exclusives.

C'est un des angles pour lequel on pourrait penser que c'est vrai. Mais il n'y a pas de vérité car on pourrait le voir ainsi car à l'époque où je me suis intéressé à rendre tangible les voix , je n'étais pas bien informé des techniques de fabrication digitales, surtout je n'en n'avais pas à disposition, les prix exorbitant en sous traitance m'avaient fait renoncer à faire un prototype.

Ayant créé avec des amis le premier Fablab de France, j'ai pris rapidement possession des imprimantes 3D. Avec cette outil, j'ai pu créé ma toute première œuvre imprimée, “Barack Obama – Next Industrial Revolution”.

Bien que la réalisation de cette œuvre à été longue (350 heures – un record d'impression pour cette époque) , l'œuvre d'art à été créée en onze parties, l'impression 3D à été le bon point de départ pour mon choix de cet outil.

Je ne regrette pas du tout ce choix, l'impression 3D permet de créer un aspect visuel que je n'aurais certainement pas obtenu avec d'autres technologies.

Remarque: Le laboratoire d'innovation, également connu sous le nom de Fablab, est un nouveau laboratoire créé par le MIT Bit and Atomic Research Center - un laboratoire qui peut fabriquer presque tous les produits et outils Petite usine. À l'heure actuelle, les êtres humains sont à l'aube de la troisième révolution numérique. Dans cette révolution où la «fabrication personnelle» est au cœur, la technologie des matériaux et la technologie de l'information ont déjà montré des signes. Fab Labs est la vague qui devance la révolution à venir.

Prochaine révolution industrielle: le 12 février 2013, lors du Congrès fédéral américain, l'ancien président américain Barack Obama a prononcé un discours sur l'état de l'Union, consacré au développement et à la création d'un nouveau Fablab, tout en favorisant le développement de la technologie d' impression 3D .
Gilles Azzaro a converti le discours audio en une sculpture imprimée en 3D et a nommé l'œuvre Next Industrial Revolution.



What is Fablab ?

Photo Kerry GAMON

Tout deux faces. De manière rationnelle, que pensez-vous des différences entre l'impression 3D et les techniques traditionnelles? Appliquerez-vous des techniques traditionnelles pour sculpter des voix?

Tout dépend de la façon d'aborder cette création car je vois plusieurs cas de figures possibles. Votre question est plus complexe qu'elle n'y parait. Pour y répondre, je joue réellement le jeu et pars du principe de devoir créer une voix en 3D sans passer du tout par les nouvelles technologies actuelles uniquement ave un papier crayon, et une scie !

Pour la modélisation 3D de l'empreinte sonore :

Initialement les fichiers audio sont créés en 3D de manière informatique par un logiciel que j'ai développé et dont je suis le seul à me servir. Le faire à la main me semble totalement impossible sauf si l'on choisi de relever que les points clés qui composent le son. Le son ainsi modélisé aurait un son quasiment inaudible, mais donnerait une vision primaire en très basse résolution de ce que pourrait représenter le son.

Reporter avec précision les relevés de coordonnées de l'image 3D (comparable à un fichier informatique en 3 vues) serait un casse tête, il y a des milliers, voir des millions de points à devoir correctement positionner dans l'espace et à relier entre eux. Dans ce cas précis, je ne parle uniquement de la modélisation pour la 3D.

Quand à la fabrication, nous serions également dans un manque de précision total si l'on souhaite réellement reproduire en 3D un enregistrement audio, obtenir une réalité sonore comparable au son enregistré. En se servant d'une scie manuelle par exemple, les découpes seraient approximatives même en s'appliquant.

Le rendu esthétique pourrait s'approcher de l'image 3D originale, mais certainement pas avec la précision que j'obtiens avec toute la chaine numérique que j'utilise.

 

Vous avez passé 6 ans à développer le Macrogroove. Au cours du processus de développement, qu'est-ce qui vous a le plus impressionné? Ou quelle est la partie la plus difficile du processus?

Oui, et nous sommes dans la septième année de recherche ! La conception de Macrogroove fait parti d'une des aventures majeures que j'ai vécues professionnellement, car elle était de rendre possible l'impossible.

Imprimer des enregistrement en 3D était une chose déjà difficile qui m'a pris beaucoup d'années, sachant qu'à ce stade je n'avais que la forme physique de ce son, et qu'un jour ce son imprimé allait réellement être relu afin de faire rejaillir de ce plastique le son contenu. C'est à présent fait.



MACROGROOVE

Photo Shannon Aouatah


Généralement je travaille seul pour réaliser mes œuvres, mais vu la complexité de cette relecture, il a fallu constituer une équipe que j'ai trouvé au sein du département REVA de L'IRIT à Toulouse réunissant les meilleurs professeurs, chercheurs et étudiants. Cette équipe est composée de : Paul Chable/Yvain Quéau/Axel Carlier/Jean Mélou /Matthieu Pizenberg/Thomas Forgione sous la direction de Jean-Denis Durou.

Nous avons passé six ans à explorer les possibilités de cette relecture, trouver le moyen de transformer ce data informatique imprimé, en data exploitable pour en extraire le son.

Nous avons fait une quantité impressionnante de prototypes, changer les codages ce qui a impacté l'aspect visuel des empreintes sonores et qui ne me plaisaient pas forcément. Aussi essayé plusieurs techniques d'acquisition avec des scanners 3D.

Nous avons imaginé et testé tous les scenarios qui nous étaient possibles sans jamais perdre de vue l'objectif, sans découragement. La question initiale semblait simple : Extraire d'une impression 3D de son codé toutes les données qu'elle contenait pour les écouter sans perte de qualité.

Nous avons fait fausse route de très nombreuses fois, cela nous a permis au final d'affiner nos recherches et de trouver une solution qui a fini par marcher : De la donnée informatique au physique, et ce physique redevenant de la donnée informatique. Du son visible et audible en 3D à l'état solide et tangible.

Pour l'œuvre Macrogroove, nous n'avons pas modifié mes impression 3D initiales, celles-ci renfermant déjà toutes les données nécessaires à une reproduction audio de qualité. A la conception de départ, j'avais déjà prévu qu'un jour, il serait possible d'entendre ce que j'avais imprimé.

Là ou beaucoup de laboratoires de recherches privés et universitaires que j'avais contacté par le passé m'affirmaient que cela ne serait pas possible, l'équipe du Centre REVA à triomphé.

Ce qui a été le plus impressionnant pour moi, c'est l'énergie la tenacité et ingéniosité qu'à employé cette incroyable équipe. Ils on su pousser leur intelligence et connaissances mathématiques dans des recoins très pointus qui n'avaient jamais été imaginées, tout en respectant mes doléances esthétiques d'artiste.

Je ne leur ai pas forcément rendu le travail plus facile, soulignant à chaque réunion de travail qu'il s'agissait avant tout d'un travail artistique et nous avons fini par obtenir le résultat exact que je voulais.

Toutefois, même si Macrogroove parait être une œuvre finie, celle-ci reste perfectible et je la considère comme une œuvre ébauche de travail.

Maintenant que nous avons compris comment procéder, nous travaillons sur une nouvelle œuvre qui n'aura pas grand-chose à voir avec Macrogroove car elle saura défier une des contraintes principales du son imprimé en 3D….. Le temps… avec des enregistrements beaucoup plus longs !

 

En tant que sculpteur de Voix, avez-vous déjà envisagé d'imprimer en 3D une vidéo avec du son? Si oui, pourriez-vous nous faire part de vos projets?

Durant le développement de Macrogroove, j'avais suggéré qu'au stade de nos recherches, nous puissions imaginer une œuvre qui, en plus de lire du son serait capable de lire des vidéos sonores.

La vidéo étant théoriquement plus facile à coder / décoder que de l'audio car le nombre d'images par seconde est toujours le même, il à été ajouté avec le même codage que j'utilise depuis des années, la possibilité d'associer sur la même impression de la vidéo et son audio. Cela fonctionne parfaitement et Macrogroove en est aussi le lecteur ! Nous lui rajoutons régulièrement de nouvelles fonctions uniquement si je trouve un sens profond – non technique mais réellement philosophique.

La vidéo incluant l'audio dans une impression 3D sera le sujet d'une nouvelle œuvre dont le sens de la vidéo imprimée sera appropriée. Que penseriez vous d'une bibliothèque multimédia imprimée en 3D qui ne cessera de se remplir de contenu au fil du temps ? Ce développement n'est pas lié à la technique, mais beaucoup plus à la symbolique que transmettra l'œuvre.

 



MACROGROOVE

Photo Shannon Aouatah

Certaines personnes considèrent tous les projets imprimés en 3D comme des gadgets.
D'autres pensent qu'il n'y a que de la technologie dans les travaux d'impression 3D.
Vos projets étonnants partent toujours de réflexions philosophiques et spirituelles.
Concernant vos derniers projets incroyables, Armstrong et Macrogroove, d'où tirez-vous vos inspirations?

A la base, l'impression 3D est un nouvel outil de fabrication qui trouve sa place vraiment partout et qui peut toucher beaucoup de monde : du hobby aux professionnels pour réaliser le plus généralement des objets de décoration ou bien mécaniques fonctionnels très sophistiqués.

Certains artistes dont je fais parti ont vu une nouvelle possibilité de création car elle offre un nouveau moyen d'expression.

Ma vision personnelle est que l'artiste ne dois pas uniquement se contenter que d'un résultat esthétique. Il doit y avoir un message au travers des œuvres.

C'est une page d'écriture, un moment de réflexion, de sensibilité, d'émotion que l'on souhaite partager au public. Il y a tellement de possibilité de s'exprimer sur un même sujet avec des techniques différentes – bien plus qu'il n'existe de langues différentes sur Terre que chacun peut trouver la sienne et la transmettre au monde entier.

Pour ma part, je pars du principe que l'essentiel est dans l'invisible. Cet invisible se ressent par les émotions – de vivre ses propres émotions intérieures - ce qui me semble bien plus important que de se restreindre à ce que nos yeux voient. Il faut aller au-delà.

 

 

NEIL ARMSTRONG (FLY ME TO THE MOON)

Photo Shannon Aouatah


Comment vous est venue l'idée d'envoyer votre sculpture (Armstrong) sur la lune? Que signifie pour vous la lune ou l'alunissage?

Il me semblait évident lorsque la FabFoundation m'a demandé de réfléchir de créer des œuvres pertinentes pour le cinquantième anniversaire du premier Homme sur la lune, de rendre le plus bel Hommage aux pionniers.

L'idée qui s'est imposée à moi était de renvoyer pour toujours et à jamais l'âme de Neil Armstrong sur cet astre le plus proche de la Terre. Je pense qu'il n'aurait pas pu imaginer plus belle tombe !

J'avais designé cette œuvre spatiale pour la NASA. Je souhaitais envoyer cette sculpture à la surface de la lune, ayant déterminé comme point d'arrivée la Mer de La Tranquillité (l'endroit où s'est posé en 1969, Eagle, premier module lunaire humain).

Cela aurait été un acte très symbolique mêlant de la technologie spatiale au souvenir, à l'histoire de l'humanité.
Pour renforcer le lien entre ce moment, entre la Terre et la Lune, j'avais conçu un système permettant d'interroger cette sculpture depuis la Terre avec nos téléphones portables… et de pouvoir entendre le célèbre message de Neil Armstrong « un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité » qui traverserait l'espace jusqu'à nous.

Un voyage long de 385 000 kilomètres et à quelques secondes de nous.
Neil Armstrong aurait été  au travers de cette œuvre, invisible par sa disparition physique mais toujours vivant par sa Voix.
Pour de diverses raisons, ce projet n'a pas pu être concrétisé, je n'ai pas de regrets, car je pense avoir imaginé ce qu'aurait souhaité Neil Armstrong.

La lune à beaucoup de significations pour moi. Elle n'est pas obscure, bien au contraire, car c'est elle qui apporte de la lumière quand il fait noir. Elle est à mes yeux un second soleil, une source de lumière et d'inspirations tant elle est intrigante et belle.

Nous sommes si proches que nous sommes reliés à elle.
Nous sommes indissociables, tout fonctionne par deux dans l'Univers, il n'y a aucune raison de devoir séparer ce qui s'équilibre, la Terre et la lune ne sont pas contraires, mais à mes yeux complémentaires, voir qu'un.

 

Sculpter des voix apporte une signification importante et pratique à l'humanité. Êtes-vous d'accord? Et pourquoi?

Très sincèrement, peut être que pour vous ces sculptures de voix apportent une signification importante et pratique à l'Humanité. Mais pour moi… je ne sais pas mais je sais ce qui m'anime depuis des années pour créer de telles œuvres, pourquoi le sens, le poids des mots est si important.

Pourquoi les formes de mes m'œuvres m'attirent. Pourquoi pour moi l'essentiel est dans l'invisible et pourquoi je le retranscrit de façon la plus esthétique que possible.

L'art s'adresse à l'humanité, à tout le monde, à toute personne qui trouvera de la beauté et peut être un sens personnel à ce qu'il voit au travers d'une œuvre. Je ne sais pas forcément si ce que je veux dire au travers d'une œuvre sera perçu comme cela résonne en moi. Le sens est précis lors de mes réflexions, l'image qui en découlera aussi.

 

Avez-vous des plans futurs, s'il vous plaît? Ou avec quels projets travaillez-vous actuellement?

Il y en a beaucoup ! Beaucoup sont très profilés et certains très avancés mais aussi très complexes. Certains sortent complètement du cadre de ce que j'ai déjà fait, pour tout vous dire il ne s'agit pas de son, ni de voix, ni de vidéos. mais toujours autour de l'invisible. Observez ce que vous ressentez, ressentez ce qu'il y a d'invisible autour de vous.

J'ai personnellement ressenti une des choses les plus évidentes de notre entourage, quelque chose de vivant. Je suis en train de mettre tout en œuvre pour extraire ces images tridimensionnelles par le biais des mathématiques.

Cette nouvelle direction est certainement tout aussi poétique que ce je réalise actuellement, dans un tout autre domaine… et que vous connaissez autrement sans jamais l'avoir vu.

Je ne veux pas que la technologie soit une source d'admiration. Même si elle est conséquente, elle n'est jamais montrée, non pas par souci de protection, mais parce qu'elle n'a pas sa place visuelle dans les œuvres.

 

Le mot de l'éditeur :

Comment définir le charme de l'impression 3D ? L'expression la plus puissante est de transformer le son invisible en choses visibles. Sous le travail de Gilles Azzaro, nous voyons plus de possibilités offertes par les nouvelles technologies .
Par rapport à l'artisanat traditionnel, la création d'une nouvelle pensée est plus tangible et tournée vers l'avenir. Quand l'intéressant et réflexion rencontrent une technologie innovante, peut-être que tous les actifs incorporels finiront par devenir une belle existence.

Claire Jiang @ 3D Imperial / Kris Tsui @ 3D Imperial